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André LHMANDÉ

En forgeant...

Chansons d'Ateliers &

Poésies Sociales

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AU SILLON

34, Boulevard Raspail, 34

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A MON PÈRE ET A MA MÈRE (Deux fiers et loyaux trauailleui

Je dédie mes premiers vers, A. L.

PROLOGUE

A mon Ame

R mon Ame

0 mon Ame. pourquoi répandre, En ce siècle de volupt

Le flot, à la fois ru Je et tendre, I )e tes pauvres vos mal sculpté Pourquoi chanter ? Nul ne t' écoute ! Tu dis : Je crois et l'homme doute, El quand, par lus.ird. un Je ceux Que lu prends pour .nuis s'arrête, Il dit. eu secouant la tête : Quelle pitié, ce n'est qu'un gueux .'

Un gueux f... C'est vrai. Dans une for^ Obscure et pauvre je grandis,

L.i finnèe Acre plein L: { Les deux bras .iu travail raidis : Méprisé, tout seul, sur l'enclume J'ai forgé ma sauvage plume. Je l'ai trempée avec mes pleurs : Elle est très humble, très grossit Mais ennoblie h l.i lumière

1 >e l'atelier des Travailleurs .'

Ce' n'est qu'un gueux/... Eh! que m'importe

Le cri de haine des méchants !

Vers le ciel bleu j'ouvre nu porte :

L.i Poésie, avec ses chants,

]'olc. m'entoure, me caresi

Emplit tout mon coeur de tendu

Et de douceur mes pauvres yeux,

Puis se mêle aux apothi

Que font les étincelles roses

Dans l'atelier de mes aïeux !

8 -

Malgré tout ce qu'on pourra dire, Aujourd'hui, je me sens le droit De suspendre une agreste lyre A l'auvent fleuri de mon toit :

Qu'on m'acclame ou qu'on me méprise. Que le vent siffle ou que la brise dresse comme pour bénir. J'irai, sur les flots de la rie. Sans peur, sans rage, sans envie, Les veux sereins, vers l'avenir.

Chante donc encore, ô mon âme, Ame inconnue, âme de gueux. Répands la chaleur de ta flamme Sur mes frères, les malheureux. Chante les époques sublimes, Le Drapeau, les preux, les victimes De leur foi dans la Vérité ; Exalte le Christ qu'on blasphème Et qui. dans un moment suprême. Xous légua la Fraternité.

Chante, sans croire une minute Aux récompenses d'ici-bas : Le poète qui souffre et lutte Sur terre ne récolte pas. Il est pareil, en sa démence. Au passant, jeteur de semence. Qu on repousse après la saison Et qui s'en va. seul, misérable, Sous le destin inexorable, Alors que jaunit la moisson.

On plaisante sur sa m\ Les enivrés de superflus

Lui refusait le nécessaire :

Pauvre homme, on ne le connaît plus !

Chancelant, meurtri, sut l.i mute

Il succombe, l'âme en dérouta

est l.i fin, i/7-<>;/. simplement .' Erreur ! Divinisé, sans voiles. Il monte cueillir les étoiles. D.ins les champs bleus Ju firmament !

Blaye, Septembre 1901

Première Partie

Chansons d'Ateliers

Poésies diverses

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Carillons d'Enclumes

Qu'ils sont jolis, les carill

Des marteaux d'acier sur l'enclun Bruyants, nombreux, entourbilli l)ans une humble forge qui fume !

Eclats de rire d'atelier. Ils vont, égrenant, en fusées, lant collier 1 >es rude embrasée

Ils chantent la gaité, l'amour, Et plus doux que des bruits d'abeilles. Chassant les fatigues du jour, Tout bas. ils disent aux oreille

« Sans te plaindre, batteur de 1er.

-• Travaille, c'est pour ta famille,

» C'est pour le bois de cet hiver,

» C'est pour la robe de ta 611e :

» Bûche, cogi iir boudeur,

•• Les cieux bénissent ta souflr Ami, tu forges la grandeur

» De notre douce et chère bran.

14

Pour consoler ces forgerons,

Carillonnez, lourdes enclume-. Quand les marteaux, devant les fronts, Passent, légers, comme des plumes.

Dans l'âme de ces artisans, Dont le corps de fatigue ploie. Vous résonnez, doux et puissants. Ainsi que des grelots de joie.

Et pour moi, poète-ouvrier, Votre chanson est plus sublime. Car du fer que je vais broyer A chaque instant monte une rime.

Sonnez, sonnez, de l'aube au soir, Enclumes, avec frénésie, Vous éveillez, sans le savoir, La grande voix de Poésie !

La Cloche

Le soir, lorsque l'airain, par toute ta vallée, Egrène lentement. SOUS la nue Des s es et clairs aux accords douloureux,

Le passé se réveille et mon esprit 11 va, de monts en monts, de nuage en nua Comme celui des amoureux.

Ah! sous cette chanson que la brise, rend douce. Que de charmants secrets disparus sous la n Que de légers parfums aux exquises saveurs, Que de bons souvenirs, mais aussi d'infortunes. Que cle spectres, hélas ! minutes importunes, ent devant mes yeux rêveurs :

31 l'église rustique avec sa croix de pierre:

Si >nt là. dans un manteau de lierre. Rompant de leurs duos l'azur silencieux: De tous petits enfants gazouillent sous leurs langesi Et la cloche est joyeuse, et l'on dirait ck A peine descendus des cieux.

C'est le ruisseau d'argent qui lance des murmure-. Le chemin de l'école et le buisson-dé mûi E

La maison paternelle aux antiques arceaux : .Mais c'est aussi le bois près du vieux cimetière. La veuve en habits noirs disant une prière Pour les orphelins sans berceaux.

Avril qui chantonne étoile de pervenche-. C'est le feu de Juillet qui calcine les brancl C'est la venda se aux effluves de vin ,

st le mois des trimas, la neige s'effiloche, I .es mystiques Noëls -envolant d< :he

Annoncent l'envoyé divin.

16

C'est aujourd'hui songeur mon âme ravie Contemple en souriant l'aurore de la vie, Les premiers feux du ciel. les charmes du printemps; Ce sont les gais éclats de rires éphémères, La lyre faible encor, les larmes, les chimères D'un poète de dix-neuf ans !...

Je vogue sur les lacs, je marche dans les plaines, J'aspire des grands monts les suaves haleines, Sans songer un instant que l'homme doit finir, -Mais l'angélus résonne, et toutes mes pensées, Par son carillon grave à l'instant rehaussés,

Cherchent à scruter l'Avenir. L'Avenir, l'Avenir! ô dis. cloche vibrante, Mes jours seront-ils ceux de l'hirondelle errante Ou de 1 humble bouvreuil fidèle aux mêmes cieux ; Et lorsque sonnera la minute dernière. Qui donc jettera l'eau bénite sur ma bière,

Qui dira les hymnes pieux?

Poétesse du bon clocher, cloche magique, Réponds sans te lasser au pauvre nostalgique Qui vient bercer son rêve aux chansons de ta voix; La lune à peine luit, sonne et résonne encore, Sonne jusqu'à .demain, au moment l'aurore

Rougit la cime des grands bois. Qu'importe, si tes chants réveillent des pensées, Parlent de l'avenir ou des choses passées; Tes accents sont divins comme le ciel est bleu ; On dirait un grand bruit de harpes réunies, Lcho du Paradis aux saintes harmonies,

On dirait un souffle de Dieu!

La Chanson de la tf\e

*%>

Du granit moussu de la voûte, Dans le bassin de graviers blancs, L'eau cristalline, goutte à goutte. S'épanche en des rythmes tremblant!

C'est une musique qui charme.

Est-ce un soupir, est-ce un sanj C'est la tristesse d'une larme Mêlée au rire d'un grelot.

Les gouttelette- réunies,

Bien loin coulent en murmurant

De dissemblables harmon

un ciel toujours différent;

Se mêlant à d'autres, - Elles grondent, fleuve géant. Comme autrefois joie et tristesse, nt finir à l'< >cé.m.

A. !.. Il

18

Telle est li mage de la \ ie 1

Des mains du grand maître le Temps, L'heure, d'une autre heure suivie. Tombe sur nos fronts inconstants.

C'est le joyeux chant que module Dans les salons le timbre d'or; C'est le tic-tac de la pendule, Monotone chanson de mort.

Avec un bruit grêle ou sonore. Une à une. marquant nos jours, Les minutes tombent encore, Puis se mélangent pour toujours.

Et leurs flots s'enflent et s'abaissent D'un rythme calme ou démonté, Jusqu'au jour leur apparaissent Les digues de l'éternité.

-S-

Forge, Cloutier !

Ami. forge des frêles clous. Pour les sabots des fiancées, Pour les reliquaires jaloux ( dorment les amours passées.

I c des clous brillant^ et loi Pour mettre des saintes images.

Près du berceau des enfants blonds. Sous les rideaux à grands ram

gre les pauvres clous de deuil. Le menuisier dans son échoppe Lustre les planches d'un cercueil. Sous les baisers de sa varlope.

Kt pour ton voisin, l'ouvrier

Oui cueille, au fracas de l'enclume. Les vers divins qu'il voit briller Au sein de l'atelier qui lume.

Forge les clous de diamant.

:l0US délicats et subir.

mie les (leurs du firmament ; Ami. forge les clous des rime-.

Afin que de me- doigts nerveux, Enivré, mais lousie,

Je plante à mon à me de gueux Quelques lambeaux de Poésie !

"Sk-,

^0

fête-Dieu rustique

<=§^

Les longs cierges jaunis, clans la brame du soir. Jettent timidement leurs lumières mystiques Dont le pâle reflet, sur les bouquets rustiques, Se voile du parfum d'un léger encensoir.

Le prêtre vêtu d'or gravit le reposoir. El sous le doux frisson des feuilles des portique-. Perpétuant l'amour des coutumes antiques, 11 fait reluire au luin les feux de l'ostensoir.

L'extase la plus pure embrase les fidèles,

Dans le lointain charmeur on entend un bruit d'ailes

Qui fait passer dans l'air un souftle harmonieux ;

Et l'on croit voir, au loin, sous un flot de lu mi en Dans un trône indécis fait de l'azur des cieux. Le Seigneur qui bénit les foules en prière !

- V ^ bc H r ; / <-> bc ^ r V O ^cP ^ ^ bt "

Oà' ^"tnrl3

Feutre Noir et Coiffe Blanche

.1 .V. e/ M Th. Botrel.

le la fine coiffe blanche. Près de sa -" 1 > iice" au front pieux, Toujours, le Gas sublime penche - . feutre noir au bord soyeux.

Se tenant par le doigt, sans trêve,

Us ;:. - ïs deux bardes bée Chanter les flots vert- et I toujours bretons, toujours ui

Us ont des bouquets de bruyère

P. air les pardon-, les fian Ils ont des croix et des pi

Pour les malheureux tré]

Leur voix, -i douce, -i touchante

le Jésus de Charité. S enfle et gronde quand elle chante I Patrie et la Liberté '.

s de la foule chansonn Ils n'ont pas connu les chagrins, Et, conquise, la France entière Répète leur- jolis refrai]

22 -

On les entend dans la grand'hune, Le soir, sur les flots endormeurs, Sur les balcons, au clair de lune, Dans les champs des rudes semeurs.

Et quand lès bambins blonds et i Les mains jointes, clans leurs lits : Souriant à de vagues choses. Goûtent des heures de repos.

De frêles notes les enchantent Sous les plis des rideaux frileux : Ce sont les deux Botrel qui chantent Dans la douceur des rêves bleus.

Les Vieux Canots

J'aime les vieux can >ts ! lissés, par le hasard.

Dans une crique verte, au fond d'un grand vasard, I.ls vieux canots lassés des courses estivales. Sous le zéphir amer soufflant par intervalles, Les mâts demi-brisés ont des frémissements,

Le chanvre flotte autour avec des tremblements.

Les flots au rythme doux déferlent, et la 1 .

Balbutie en léchant le bois dur de l'étri

Tout est calme autour d'eux. On dirait des berceaux,

nids abandonnés à l'écume des eaux : La poupe a pour linceul des bouts de toiles blanche-. Et le rare passant voit, au travers des planche-. Frêle comme une Heur, la tige d'un roseau S'élever, se bercer, et porter un oiseau Qui, du panache blanc mirant sa tête blonde. Mêle son gazouillis aux murmures de l'onde ! J'aime les vieux canots dans la brume du - Quand le soleil rougit les marches du mussoir, Quand la mélancolie avec le crépuscule Sépandent. parfumés, de l'astre qui recule, l'écoute alors les bruits s'élevant au lointain. Le réveil de l'écho sous un rire mutin, La chanson d'un rameur, les frissons d une voile : lu puis, lorsque le ciel s'éclaire d'une étoile, Vers ma maison qui dort, je reviens, en rêvant, 1 leuieux d'avoir j le vent,

D'avoir, sous l'or pourpré d'un grand soleil mag Goûté d'un soir d'avril le charme nostalgique, Heureux d'avoir senti, mouillant mes cheveux bruns. Le baiser de la mousse amêre des embrun-.

Hymne à la Vierge

Je vous aime. Marie, ô Mère virginale ; Le siècle vous insulte et les hommes sont fous, Le vice coule à flots de la porte infernale, Je vous aime. Marie, et je tombe à genoux.

Que votre nom léger comme l'aile des anges Yole, de lèvre en lèvre, en l'immense univers, Du paisible vieillard à l'enfant sous ses langes, Des roses du printemps aux neiges des hivers.

O Vierge, gloire à Vous ! Sous votre main, les âmes, Plus fortes, suivent mieux la rude Vérité, Car vous êtes bénie entre toutes les femmes. O Femme dont le sein nourrit la Charité.

Priez l'éternel Roi, Reine de l'Espérance. P<-ur les blasphémateurs et les riches méchants, Peur les désespérés broyés par la souffrance. Pour tous les travailleurs de l'usine et des champs !

Et pour moi. douce Vierge au sourire mystique Qui connaissez l'accent des fibres de mon cœur, Priez, pour qu'un beau jour j'achève mon cantique, Sur les harpes du ciel, pour Vous, près du Seigneur.

v <>

Chante, mon Frère !

«=»

Au Barde Henri '

Le soir, quand ce-sc la bataille.

S is le ciel rouge et frissonnant.

Le soldat, -- pas bien grand de taille.

Fils d'ouvriers, humble manant.

Le cœur pourtant noble et sans voiles

Comme les cieux brodés d'étoiles

Par une nuit de Messidor,

uragé. baissant la tête. Pris de lassitude, s'arrête, Tombe sur le sol et s'endort.

Mai- le vent monte, dan< le- chêne-. En de formidables ch ns.

Chansons pleines de bruits de chaînes,

I > i ibus, de galops, de caiss< mi-. Alors, un fier clairon -e lé\c. Prêt à repartir et. sans trêve,

II réveille le régiment :

>out, ou craignons les d isasti Va par milliers, pour lui. les astres Semblent sourire au tirmament.

26

II va. sous le froid, sous la foudre, Plein d'espoir, toujours en avant; Crotté, fourbu, tout noir de poudre, D'instinct, vers le soleil levant ; Il marche. Et les guerriers superbes, Les jeunes va-nu-pieds imberbes Le suivent dans l'ardent combat. L'ennemi se rend, la victoire Fait briller son soleil de gloire... Honneur à toi. brave soldat !

. . . Ami. combien de camarades. De soldats, d'abord pleins d'ardeur, (Quelques-uns peut-être ayant grades) Sentant s'infiltrer dans leur cœur Le terrassant venin du doute, Se sont endormis sur la route, Stupides dans leur lâche orgueil ; Combien dames à l'agonie, Dans une ombre plus infinie Que la sombre nuit du cercueil !

Mais toi, toujours plein de vaillance, Comme le clairon, en soufflant D'ardentes chansons par la France, Chauffe le cœur de l'indolent, Tu souffles sur nos jeunes âmes Tes chansons aux ailes de flamme, Chants d'Amour et de Liberté : Tu sais nous montrer la lumière, Et ta forte et douce prière Nous ramène à la Vérité.

27

Chante encore, ô barde, mon frère. Chante tes refrains généreux : C'est par le barde qu'on espère, C'est parle barde, fils des preux, Que tous les gars de notre ra Se réveillant, suivront la trace grands semeurs sanctifiés Et, pour un règne de Justice, Vivront le divin sacrifice. Prêts à mourir crucifiés !

se se

&«g T T T te^

Forgeron t

La lourde enclume sonne et la forge flamboie ; Une immense lueur monte vers le ciel bleu ; Les bras nus et frappant le fer rouge qu'il broie, Le forgeron chantonne, auréolé de feu.

Forgeron à la rude étreinte, Aux yeux reflétant la bonté. Qui travaille toujours sans plainte, D'où vient ton ardente gaîté >

Passant, sous mon marteau terrible, Jamais, pour le bandit horrible,

Je n'ai forgé le glaive épais ; Tranquille jusqu'au fond de l'âme, Fiancé de la rude flamme, Je forge des outils de paix.

Forgeron, ton ardeur redouble, Le feu ronfle, le fer se tord, C'est fou ! ton esprit devient trouble. In tel travail mène à la mort !

Passant, c'est un jour de bataille, Le canon crache la mitraille,

Nos i égiments sont assaillis, Je forge les lames d'épées, Les couronne- des épopées, La victoire de mon pays.

- 29

n. doui géant rustique, Tu te re

D'où vient ce sourire extatique Et tous ces mots dits à nxi

! de mon front qui ruisselle.

Sur le grain d'or de l'étincelle,

Mon es] t s'ei ..ai meut :

11 tournoie a ec fantaisie

Et forge un peu de poésie

Pour moi, le gueux au cœur aimant.

Sainte loi du travail de la forge enfumée, Amour du sol natal vibrant comme un clair m. Muse du travailleur, aimante et tant aimée, Vous soufflez le courage au cœur du I

-?-

Four l'Hôtel de la Chanson à Lyon

Je te vois planer, triomphante. Sur les siècles amoncelés ; Tonjours ta voix auguste enfante La Vertu, dans les temps troublés Le front transparent de lumière, Du palais d'or à la chaumière. Tu charmes en toute saison Et l'on t'aime, Muse sacrée. O consolatrice inspirée, Immortelle et noble Chanson.

.... La Chanson, c'est l'ange invisible

Egayant l'enfant au berceau,

Le vieillard sur son seuil paisible,

La veuve filant son fuseau :

C est le sourire sur nos larmes,

L'oiseau qui saisit nos alarmes

Pour les emporter dans les deux ;

5t la femme aux milles tendresses Qui vient nous combler de caresses Et du doux regard de ses yeux.

31 -

La ( . c'est la ; |ue

(v)in s clc\ e des noirs sillons, De i irtique

Abritant des \icu\ en bail] Elle vole, grave ou rieuse, De L'agreste cloche pieuse A l'atelier des travailleurs,

i aile mystique et blinde Semé le bonheur sur le monde. En rendant les hommes meilleurs.

La Chanson, quand sifflent les balles Dans la tempête des combats, Dominant clairon- et cymbales, Enflamme laideur des soldats:

•. la guerrière échevel La première dans la mêlée.

liles rouges sous le vent, Et, de son doigt tout noir de poudre, Elle brûle, comme la foudre, Les cœurs de ces mots avant', o

Hélas, cette Chans 'ii sublime Qui s'élève sans un effort Près du firmament, sur la cime semble dormir L'astre d'^v. Cette Chai affle des âmes,

Est prise par des mains infâmes Qui n'inspirent que le dégoût. Voyez : au vice on l'habitue, Pour de l'or on la prostitue, On la traîne jusqu'à l'égOÛt !,..

:\->

Pour garder à ses lèvres pures Leur transparence et leur beauté. Leurs inimitables murmures Qui consolent l'Humanité; Pour qu'elle soit la bonne reine Qui marche, joyeuse et sereine. Sous une auréole, à jamais, Ouvriers, creusez les carrières. Fondez Tairai n. fouillez les pierres. Bâtissez pour elle un palais !

Et vous, tranquille multitude, Flots humains vient se poser La Chanson, par vieille habitude. La Chanson et son doux baiser, Artisans, bourgeois, capitaines, Gai^ laboureurs, dames hautaines, Doux amoureux des grands chemins, Ouvrez vus cœurs, videz vos g rang Pour une fois soyez des anges : Donnez, donnez à pleines mains.

Donnez ! pour qu'en chastes murmures. Des refrains s'envolent, gaîment, Par les villes, par les ramures, Sous l'éclat bleu du firmament; Qu'ils s'épanouissent, supeibes, C Munie de lumineuses gerbes ; Car, ici-bas, rien n'est plus beau Que des rires pour la jeunesse, De- souvenirs pour la \ieillesse, Des cantiques pour le tombeau !

Réminiscence !

Quelques étoiles d'or. Voici la nuit. La cloche. Ame qui chante et niche en haut du ciel serein. Se réveille, s'agite et, follement, accroche

De- rires étoiles à sa robe d'airain.

Et le Passe, joyeux, lumineux et candide Reparaît, balbutie au tréfonds de mon cœur: .Mes yeux sont plein- d'azur et ma tête est sans Je redeviens petit, je suis enfant de chœur.

Je suis près de l'Autel : la même cloche chante ; Par les vitraux naïfs passe un peu de soleil ; Tout s émeut d'une grâce inconnue et touchante. Le bon Dieu me sourit du Calice vermeil.

Des cierges et des fleurs. Tout est doux ; rien i.

Le prêtre parle bas: on n'entend que ie bruit

De l'encensoir léger frôlant mon aube roug

Pendant que l'encens bleu vers les voûtes s'enfuit !...

Des cierges et des fleurs. Tout est doux, rien ne bous ,

-?-

A. L. III.

Aux Champs

A pas lents, mesurés, sur les terres profondes,

Les bœufs aux reins puissants, aux fines cornes blondes,

Creusent avec efforts les sillons rocailleux,

D'où germera, demain, la vie.

Dans la houle calme et ravie

Des blés lourds et mystérieux.

Le front baissé, le cou tendu, les bonnes bêtes

I ravaillent lourdement, toujours, et sur leurs têtes

Le soleil de l'été pose son nimbe blanc ;

Les genoux tremblent, le sol fume, Et des naseaux la blanche écume S'envole sous le vent tremblant.

le travail géant, fruit de l'hymen antique De la force animale à l'élément rustique, Et, tous les jours, bravant l'inclémence du ciel, Les grands bœufs roux creusent la terre. La terre qui dans son mystère Avec leur sang pétrit son sel.

35

Pourtant, quand la charrue est au bout de la ; L'homme qui la conduit leur [a ndre haleine;

Rêveurs, les animaux se dressent vers les cieux,

Emplissant leurs douces prunelles vagues clartés éternelles

Qui ^e reflètent dans leurs veux.

Puis, tout se tait; la nuit s'étoile de lumiO st l'heure du repos. Sur de fraîches litières

Les collaborateurs des paysans brunis, Près des jougs simples et augusl Reposent leurs muscles robusl Peur- veux aux regards infinis :

La Chanson des Sabots de bois

Le ciel est gris, la terre est morte ; Tout est triste : pas une voix : Seule, la bise nous apporte La chanson des sabots de bois.

Lançant des notes étoilées. Parfois, mais souvent des sanglots, L'hiver, sur les routes gelées, Ah! qu'ils sont nombreux les sabots :

Vieux sabots de vieilles cassées Qui glanent, dans les froids sillons. Des bouts de branches trépassées, Pour mettre en l'âtre des rayons ;

Grands sabots, façonnés sans grâce. Des paysans bruns et nerveux, Derniers fils de l'antique race Aux francs regards, aux longs cheveux ;

Sabots du mendiant qui frappe, Jaloux, le cœur hurlant la faim, Aux portes closes du satrape, Pour avoir des croûtes de pain ;

37 -

Sabols de travail, de misère. Compagnons bruyants de tous ceux Qui luttent pour leur nécessaire, Sabot- cruels, sabots de gueux'....

Le ciel est gris, la terre est morte : Tout est triste : pas une voix : Seule, la bise nous apporte La chanson des sabots de bois.

Les uns disent : « Dans la chaumière, Branlant au souffle aigu du nord. L rphelin. sur la froide pierre. Du sommeil éternel s'endort. ■■

D'autres : « La neige est sur la plaine. Le laboureur tombe, vaincu: Les jours sont durs, le bas de laine Ne contient plus un seul écu. ■>

D'autres encor: « Tout agonise. Le vagabond laisse ses os Dans la forêt que divinise L'aurore chantent les oiseaux.

Et, nostalgique, l'on écoute. Lame débordante de pleurs. Ces bruits lugubres de la route Portés sur l'aile des malheu

Car la Voix du peuple qui soutire Des petits lits blancs aux tombeaux Monte, entière, comme d'un gouffre, Dans le bruit rythmé des sabots.

Angélus !

A Jacques Bonhomme, mon frère.

Ami, prête l'oreille à la cloche mystique Qui, plusieurs fois le jour, te chante son cantique, Tour à tour grave et doux, pénétrant et vainqueur ; Les yeux vers l'infini, respectueux, écoute, On dirait qu'une voix de l'immortelle voûte Commande doucement au cœur.

Dans les fauves sillons que le matin, tout rose, Fait déjà scintiller de feux d'apothéose, Tu vas mener la herse ou tendre le tramail ; Tes pas jettent au vent les larmes des rosées, Et l' Angélus, comptant les heures reposées. Te dicte la loi du travail.

Midi, du haut du ciel, épand sa rude flamme; Tes deux pieuses mains se rejoignent, ton âme S'élève vers le Dieu qui lui donna le jour ; Ton épouse s'avance au fond de la prairie, Et la cloche, chantant la famille chérie, Te parle tendrement d'Amour.

Le soleil disparaît, voici l'heure sereine ; La nuit étend, là-haut, sa lumineuse traîne, La lune se dessine au front d'un vieux manoir; Tu scrutes l'alphabet de l'éternelle vie, Et, de son urne sainte à ton âme ravie, cloche verse un peu d'Espoir !...

A Pierre Corneille !

Honneur à toi. poète aux beaux accents de flamme Qui fis. dans tous tes vers, chanter toute ton âme. Ton âme, ce miroir de notre Humanité O Corneille le Grand, ton nom est un symbole Qui brille sous l'éclat de l'ardente auréole Que donne l'Immortalité !

Tes poèmes guerriers vibrant comme des cloches, Limpides comme l'eau glissant des vertes roches, Sonnent les carillons de nos devoirs sacre Lèvent des passions peut souffler sur les t. L'on entendra toujours, plus fort que les tempêt Retentir tes chants inspires :

« jeune homme dont les lèvres r Ont pour amante la Chanson. Sois chevalier des belles causes, Des pauvre- gens sois l'échans Lorsque grondera la bataille Au premier rang dresse ta taille Pour montrer avant d'être vieux, Devant les foules étonnée La valeur des âmes bien Qui flambe, énergique, en te- yeux.

40

« O sublime patriotisme. Verse au cœur de tous les Français Cette ivresse de l'héroïsme Qui conduit toujours au succès ; Regardant la mort comme Horace. Debout, le front haut, bien en face, Qu'ils vivent ce rêve si beau : Tomber un jour pour leur Patrie, Dans un rouge coin de prairie le boulet creuse un tombeau !

« Puissants, qu'un soleil environne. Xe broyez jamais sous vos lois Ceux qui souillent votre couronne Avec la fange de leurs doigts ; Mais les yeux vers l'azur immense, Grisez votre âme de clémence, Puis, en un moment solennel, Imitant le geste d'Auguste, Posez sur eux votre main juste, D'un geste calme et fraternel.

« Et vous prêtres et douces vierges

Qui priez, de l'aurore au soir,

Devant le pâle feu des cierges,

Sous les parfums de l'encensoir.

Si le martyre un jour se dresse,

Mourez, en chantant d'allégresse,

Tels Polyeucte, ce Romain,

Pour que votre sang convertisse

Au Dieu d'immuable justice,

Tous les forbans du genre humain !... *

11

Les vieux soleils usés dans l'horizon des âges Descendront, pour qu'aux cieux d'autres soleils plus Eclairent le Calvaire montent les humains ; ^a^es Tout changera comme un décor dans le théâtre. Et la foule vers toi constamment idolâtre Dans les siècles tendra les mains.

Tu seras à jamais le barde qui réveille Le lutteur fatigué d'une trop longue veille Ou l'indolent plongé dans sa lâche torpeur; Tes vers seront l'écho des gloires disparues, Ils gronderont, comme un tonnerre dans les rues, Pour les victimes de la Peur.

Géant, sous les lauriers réunis en portique, Tu tiendras le flambeau du monde poétique, Et les essaims nouveaux des poètes bénis, Iront, en pèlerins, demander pour leur âme Un peu de la beauté de ton ardente flamme Et de tes amours infinis.

Ils iront, radieux, en chantant ta louange, Vers toi qu'on vit, un jour, les pieds nus. dans la fange, Pauvre comme Jésus en la nuit de Noël, .Mais dont l'auguste front, tel celui d'un prophète. De notre monde ingrat plana toujours au faite. Dans la sérénité du ciel !

*-

r^^ri °i^ oP aP ^

Vendetta

Le jour n'est plus. Le ciel s'étoile. Rien ne bouge.

Dans son humble atelier bruyant, sinistre et rouge,

Le vieux forgeron corse, aux bras nus ruisselants,

Aux yeux fauves et noirs sous ses longs cheveux blancs,

Frappe, à coups redoublés, sauvages, pleins de haine.

Lui qui forgeait, jadis, pour les gens de la plaine,

Les rustiques outils de travail et de paix

Et l'auguste tonnelle les rameaux épais

Du lierre aux flocons noirs grimpent, en ribambelle,

Lui, le pauvre vieillard, à tout pardon rebelle,

Dans son taudis, tout seul, est en train de forger

Le poignard criminel qui, demain, doit venger

Son Zanetto chéri, toute sa poésie,

Le dernier de ses lils, tué par jalousie

Au milieu des chansons et des rires d'un bal

Et tombé sur un lit de fleurs du carnaval !

Fou de douleur, le père a juré sur son âme

De répandre le sang du meurtrier infâme

Et, seul, continuant son ouvrage maudit,

Il perpètre son crime et se sacre bandit.

Enfin, n'en pouvant plus, tristement, il s'arrête. Il étreint à deux mains son énergique tête,

une pour en chasser quelque profond ennui ; Puis, les yeux maintenant vagues, rien ne luit, Il regarde au lointain, par la baie entr'ouverte. Le ciel est toujours bleu, la plaine toujours verte.

- 43 -

Tout près, au carrefour de chemins embaumés Des premiers lilas blancs par le printemps semé Un crucifix géant est là, dans la nuit douce, La tète dans le ciel et les pieds dans la mousse. Le forgeron sinistre, épuisé, lassé, Le regarde. Oh! ce Christ dans la nuit ! Trépassé- Divin, 6 fils de Dieu qui, toujours, à toute heure, Revis pour consoler l'humanité qui pleure. Martyr qui rachetas nos péchés de ton sang, Jésus, plein d'indulgence et pourtant tout puissant, Qui mourus en priant pour tes bourreaux infâmes, Eclaire de la Foi la noirceur de nos âmes Et que, dans tout pays, au bord des grands chemin-. Rappelant leur devoir aux pauvres cœurs humains, Ta voix, ta grande voix à jamais retentisse P. air un hymne vibrant d'Amour et de Justice : Le vieillard le regarde et. déjà, dans ses yeux. Quelque chose de vague et de mystérieux Remplace les éclairs de sa haine farouche. Ses doigts se sont croisés, lentement, et sa bouche Balbutie à demi la prière d'antan : « O Père, dans les cieux criblés d'astres chantant, O notre Dieu, soyez béni sur cette terre; Nous acceptons la vie avec son noir mystère, Sans plainte, sans lever notre front révolté; Faites-nous, aujourd'hui, Père, la charité Du pain quotidien ; pardonnez nos offenses Comme nous pardonnons... » Mais, Seigneur, nos ven- geances »mme nous pardonnons... b Mais notre sang qui bout. Le spectre de mon fils qui m'apparait, debout, Echevelé, livide, et me criant, dans l'ombre En me pressant le bras de sa main froide et sombre : « Prends son sang pour laver la trace de mon sang

44

Quoi ! Pardonner, Seigneur, alors que l'innocent

Meurt sans être venge ? Non, non, c'est impossible!.,

Alors, dans la splendeur de cette nuit paisible,

Ainsi que le Seigneur au sommet du Sina,

Le front du crucifix, au loin, s'illumina -,

Un long rayon d'amour pénétra le vieux Corse

Qui regardait toujours, surpris, rêveur, sans force,

Tremblant et radieux devant la vision ;

Puis, tout d'un coup, domptant sa courte émotion,

Le vieillard, ébloui, retourna vers sa forge...

Le dur soufflet de cuir ressouffle à pleine gorge ,

Le feu jaillit, géant: l'enclume tinte encor;

Le marteau fait voler des étincelles d'or,

Et, lorsque le matin, rose, discret, sans voile,

Ternit le diamant de la dernière étoile.

On vit le forgeron s'en aller, à pas lents,

La démarche moins sûre et les cheveux plus blancs,

Vers les tombeaux moussus du pauvre cimetière

Et sceller, en pleurant, sur l'humble et froide pierre

Sous laquelle est son fils que Dieu seul doit venger,

Une croix de pardon qu'il venait de forger.

*~

Deuxième Partie

Poésies Sociales

**>

Semons, Français î

.1 Mm c Sangnier,

Aux Camarades du Sillon.

De l'aurore magique au jour crépusculaire, Le semeur, à pas lents, recueilli, sans colère, Promène son grand front brûlé par messidor ; Jusqu'au bout du sillon il va, puis recommence Et l'on voit, en rêvant, surgir du sol immense Un océan de gerbes d'or.

Qu'importe à ce vaillant l'oisiveté des villes, Les hommes se ruant dans les guerres civiles Ou de l'éclat mondain le bal ensoleillé ; Que lui font le venin des paroles caustiques Et les tristes lueurs des torches fantastiques D'utopistes au cœur souillé ?

L'astre royal épand sa lumière éternelle En son cœur simple et doux ; le zéphyr, de son aile. Soulève des parfums en légers tourbillons ; 11 ne sait... quelque chose en lui chante une fête, Et l'homme, encouragé, plus allègrement jette Les futurs épis des sillons.

48

Un jour viendra, jour de malheur, demain, peut-être, le matin joyeux, rosé, qui vient de naitre, Ne verra plus le vieux et ses gestes tremblants ; des enfants, frappés d'une commune idée, Pour lui baiser encor sa figure ridée

Ecarteront ses cheveux blancs.

Oh ! le semeur sait bien que la vie est fragile, Que le corps chancelant n'est pétri que d'argile, Le corps où, pour toujours, l'âme ne peut tenir, Il sait que tout se meurt, tout s'efface ou s'écroule, Que dans l'éternité le siècle, en grondant, roule, Que l'existence doit finir !

Mais que lui fait la faux de la Mort qui se lève ? L'embryon grandira sous l'effort de la sève, Les épis balancés chanteront, triomphants, El, si l'homme est parti pour le pays des anges, Le fruit de ses travaux grossira, dans les granges, L'héritage de ses enfants !...

Nous tous. Français, prenons ce vieillard pour symbole ; Que toujours notre esprit vers le ciel bleu s'envole, Comme l'oiseau des champs devant les feux du jour; Inondant de candeur les âmes indignées, Sur ce monde d'ingrats répandons, à poignées, La semence du Dieu d'amour.

En vain la calomnie, effroyable couleuvre, En rampant, couvrira de sarcasmes notre œuvre, En vain s'élèveront des barbouilleurs de lois; Nous sèmerons toujours clans le grand champ de France, Nimbés par la clarté des rayons d'espérance Tombant de l'immortelle Croix.

19

Ainsi que les enfants des Fêtes-Dieu, très calmes, Devant les reposoirs ornés de grandes palmes, Jettent des fleurs avec des sourires charmants, Nous jetterons partout des fragments d'Evangile,

Et le monde lira, sur la page fragile.

Le plus beau des enseignements.

Qu'importe si, demain, les feuillets de l'histoire Nous laissent à jamais dans l'oubli, si la gloire Détourne de nos pas ses inconstants rayons ; Nos semailles d'antan, par d'autres moissonnées, Serviront de liens, pour de longues années. Aux jours nouveaux des nations.

Semons, semons toujours! Un coup de vent mystique

Fait deux égales parts de la graine rustique : L'une va dans la terre et l'autre vers le ciel; Fille monte, légère, aux régions superbes, Grossir d'un épi d'or les lumineuses gerbes Pendant aux mains de l'Eternel;

Elle monte, légère, ainsi qu'une prière, Et quand un séraphin, transparent de lumière, Vient chanter sur sa lyre un cantique au Seigneur. Il effleure parfois nos gerbes de son aile Et, sur l'humble semeur, de la voûte éternelle Tombe une goutte de bonheur!

-*-

A. L. IV

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Noël

Il est minuit. Au loin, les vitraux de l'église Flambent, comme la nue au lever du soleil ; Le ciel est bleu, la terre est de neige, et la bise Emporte les chansons des chrétiens en éveil :

Et, de l'humble clocher, les cloches, toutes folles, Prisonnières d'airain au rire triomphant, Lancent leurs carillons qui vont, en farandoles, Exalter la grandeur de l'Eternel Enfant...

O vagabond, mon frère, en marche sur la route, Pieds nus, le ventre creux, la nuit comme le jour, Sans famille, sans toit, comme une bêle, écoute : Le monde recueilli ne parle que d'Amour!

Tu vas, sombre, muet ; la misère t'entraîne ; Et quand le riche, heureux, en souriant s'endort, Tu vas toujours, levant tes yeux fauves 'de haine Ver» l'immensité bleue brillent des points d'or.

Pauvre inconnu, maudit, sans paix, sans espérance, Ecoute : l'Univers entier chante Noël, Et, pour donner aux gueux le prix de sa souffrance, Sur la terre, à cette heure, est descendu le Ciel.

Le Seigneur est venu broyer le mal infâme, Son beau corps pantelant est mort sur une croix ; Mais son sang racheta la laideur de ton âme Qui valut, dès ce jour, celle des plus grands rots.

Va donc, plaignant les fous qui te jettent la pierre: Accepte l'oreiller Jacob a dormi; Sois honnête, sois doux et que, dans ta misère. Ton front rayonne, ô gueux : Jésus est ton ami !

Aux Travailleurs

O mes frères, les gueux des usines, des plaines, Rustiques laboureurs aussi forts que des chênes, Esclaves d'ateliers bien vite rendus vieux, Vous tous, les travailleurs, ô laissez-moi vous dire Les couplets plébéiens s'enrolant de ma lyre, Et qui se lisent dans vos yeux.

Comme vous, je me lève à la première aurore, Et tandis qu'en les prés que le soleil colore Le semeur va jeter les futures moissons, Je cogne sur le fer, debout, devant la forge ; Le feu brûle mon front et dessèche ma gorge D'où monte un essaim de chansons.

Comme vous, j'ai souffert; la colère farouche Eclate, quelquefois, en jurons, sur ma bouche, La passion bouillonne en mon cœur, je maudis ; Je sais que des méchants nous raillent et nous jouent, Et que leurs doigts crochus, avec gaité, secouent La misère sur nos taudis.

Qu'importe ! Soyons fiers de montrer nos mains noires, Nos larges fronts bronzés, nos vêtements sans gloires, Victimes seulement des étincelles d'or ; Vivent nos haillons bleus, nos beaux haillons honnêtes, Ouvriers des faubourgs aux énergiques têtes Et paysans de Messidor !

53

Dans les monstres de ter qui hurlent et flamboient. Des hommes, jour et nuit, de leurs deux bras qui Jettent le charbon noir avec docilité ; tient,

I M\ qu'est-ce l'univers sinon une machine Pour laquelle toujours nous prêtons notre échine, Nous, les chauffeurs d'Humanité?

Qu'un seul jour le mineur refuse de descendre Dans son horrible trou, le laboureur de prendre La pioche pour fouiller dans les sillons étroits, Et le monde affolé, ridicule, en démence. S'éteindra, tout pareil à la machine immense Qui manque et de houille et de bois.

Aimons donc le métier de notre pauvre enfance. Nos durs outils trempés dans des pleurs de souffrance, Dana le grand drame humain notre rôle est béni: Et laissant dans nos cœurs sonner cette peni Continuant gaiment la tâche comment- Lançons des chants vers l'infini.

< )ui, dans le voile épais de l'atelier qui fume, Forgeur, mêle ta voix aux longs bruits de l'enclume (Jui s'égrènent toujours en joyeux carillons ; Ajoute, moissonneur, tes notes inégales Aux torrides refrains des stridentes cigales. Aux doux murmures des s:.ll<,>ns.

Chantons ! sans oublier les futures conque: En tressant les lauriers des fraternelles fc En fondant le bourdon du triomphe final, Travaillons sans faiblir pour qu'un soleil se lève. Inondant de Vertu, de Justice, sans trêve, L'Aube d'un matin virginal !

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Chantons, mais soyons sourds aux paroles caustiques Des bourgeois ballottés sur les flots politiques, Et qui trompent le peuple en lui faisant la cour; Loin de nous les refrains des rouges Carmagnoles, Les insultes, les cris, le feu, les danses folles : Le triomphe est fils de l'Amour!...

0 mes frères, les gueux des usines, des plaines, Notre Christ est Amour, et tout, travaux et peines, Dans l'avenir, par Lui tout est glorifié ; Car l'ombre devient jour parsemé d'auréoles Dans l'idéal chemin creusé par les paroles De l'Eternel Crucifié !

Portons donc fièrement sur nos mâles visages Les rides du travail et leurs beautés sauvages; Comptons les jours mauvais, sans plainte, sans ennui ; Il est si doux de dire au milieu de sa tâche : « Le miséreux meurtri, courbé, n'est pas un lâche, « Il est travailleur comme Lui ! »

Surtout suivons sa Loi ; sachons répandre même Les grains d'apostolat dans les champs du blasphème, Afin qu'à tout moqueur, très nobles, nous levant,' Tous, nous puissions crier avec ces témoins justes : Une sainte conduite et nos travaux augustes : « Homme, je suis un Christ vivant ! ><

>&»

Miserere !

< > Christ, crucifié pour racheter nos an Nous tombons, à genoux, criant : Misera

Pâles, cherchant en vain, à l'horizon, les flammes

D'une aurore d'amour dans le matin doré.

Certains de tes entants te maudissent, ô Père.

Et si tu revenais au fond de leur repaire.

La colline sacrée jadis tu marchas

Te reverrait encre, avec ses croix sanglantes,

Noire de vils soldats et de foules hurlantes Qui te couvriraient de crachats !

( I Christ. Miserere! Le soleil qui <e lève R .-.-oit tous les matins un nouveau Golgotha, Ton cœur saigne toujours et le démon soulève Le Ilot des passions l'homme se jeta.

Ils ont rave ton nom des pages de l'Histoire; De l'âme populaire et des murs du prétoire, Us t'ont chassé, Jésus, ô toi, la Chanté! Plus de l'Ouvrier-Dieu du mal rompant la chaîne! Des jurons, des bûchers, des balles, et la haine En fantoche de Liberté !

< ) Christ, la Liberté nous vient de l'Évangile,

Seul, tu brisas les fers de tout le genre humain. Seul, tu donnas une âme à notre corps fragile,

Seul, de la Vérité tu montras le chemin.

56

Les judas, les Pilate ont de l'or, des hommages, Et les moines très saints, et les vierges très sages Partent vers d'autres cieux aux astres d'équité. Et le pauvre, battu par le vent des tempêtes, Meurt, l'œil jaloux fixé sur les palais en fêtes... Et l'on parle d'Egalité ! !

O Christ qui descendis chez les hommes infâmes. Dans une sombre étable, en la nuit de Noël, Le premier tu prêchas l'égalité des âmes ; Et le gueux prendra part au banquet éternel.

L'air frémit, l'horizon est tout rouge, et la foudre Tonne, et des travailleurs, les mains noires de poudre Hurlent des cris de mort sur ce siècle irrité; Du feu, du sang, partout, des campagnes aux villes... Et devant l'ouragan des révoltes civiles, On chante la Fraternité ! ! !

O Christ, tu le poussas ce cri d'amour suprême, Lorsque sur ton gibet, sublime agonisant, Tu dis : « Pardonnez-leur. 6 Père, je les aime. Pour le rachat de tous je vous offre mon sang! ))

Et nous, dont l'âme ardente avec la tienne vibre, Apôtres de vingt ans, nous rendrons l'homme libre, En lui montrant ta Croix étincelante au ciel ; Et demain, tous tes fils, nos frères, à la ronde, Boiront avec bonheur à la source féconde De ton calice fraternel!

O Christ, crucifié pour racheter nos âmes, A genuux. pleins d'espoir, criant : « Miserere »>, En rêve, nous voyons, à l'horizon, les flammes D'une aurore d'amour dans le matin doré.

Aux Paysans

Paysan, paysan, ta besogne es! sacrée !... Que ta fauta se balance en la plaine dorée, Que les futur- épis s épandent de ta main ( >u que sous tes effort- le soc d'acier sillonne, Sois fier, ô paysan : et que ton front rayonne : Tu fais vivre le genre humain '.

T'ai fois, sous le soleil, fatigué, tu t'arrêtes :

Tes bœufs, le front penché, ruminent : des charrettes

Ployant sous des trésors passent dan- les sentie

Des souffles parfumés s'échappent des ramures, lit de gais chants d'oiseaux se mêlent aux murmures De l'onde sous les noisetiers.

Là, c'est le vrai Bonheur, la Liberté qui passe Dans ces bruit- confondus qui montent dans l'espace, C'est le présent semblable au passe des aïeux : C'est toute la douceur des antique- coutumes,

naïves amours exemptes d'amertumes, L'avenir simple mais heureux

Hélas '. les cris lointains des sombres capitale-. Leurs tourbillons maudit-, leurs ivresses brutales Mnntent jusqu'à ton cœur pour en troubler la paix : La passion grandit ; le feu de tes prunelles Regarde avec dédain les terre- paternelles Qu'hier encor tu fécondais.

58

Dan? ce? vaine? rumeur? la gloire e?t apparue. « Je ne suis qu'un forçat, lai??on? pioche et charrue ; » A la ville un bonheur plus ?ûr m'attend! », dis-tu. Pauvre âme d'in?en?é qu'un tel doute ravage !... La ville qui ?ourit n'e?t qu'un dur esclavage. Le bonheur est dan? la vertu !...

Pourquoi ne plu? aimer la terre, ton village, Fit laisser tes parent?, déjà courbé? par l'âge. Malheureux, loin de toi. n'e?pérant que la mort : Leur? pleur? exciteraient la colère céleste, Et leur? tremblante? voix te criant : < Re>te ! Re?te ! » Te pour?uivraient comme un remord? !

Et le Progrès ?e dre??e, et j'entend? ses machine? Siffler, hurler, broyer le 1er et le? échine? : c Le monde que j'enfante e?t grand >>, dit-il. C'e?t bien. .Mai? san^ cette campagne héla? ! trop solitaire, Sans les bras vigoureux des remueurs de terre, Progrès orgueilleux, tu n'es rien ! ...

Il faut les raisins noirs pour verser dans nos veines L'n sang plus généreux, il faut le blé des plaines En miches de pain bis bien vite transformés ; Que le bon campagnard un seul jour di?parai??e, Et tout s écroulera sous un vent de détresse, Autour des peuples affamés !...

Or. nous te les devons ces éléments de vie, Paysan ! Sois donc lier, chasse à jamais l'envie. Ton rôle est le plus beau, le plus noble, ici-bas ; Tu <ëme- le destin des familles humaines, iJe te- gros doigts caleux, lentement, tu les mène? Ver? le bonheur ou le trépa? !

59

Paysan, paysan, ta besogne est sacrée!... Si parfois clic est rude et souvent ignorée, Qu'importe ! comprends en la sublime beauté O paysan, ô roi de l'univers immense, Changer ton pauvre sort serait une démence Et serait une lâcheté !...

Le Voyou

Il était un de ceux qui vivent clans des bouges, Le cœur tout altéré de débauche et de sang. Et qu'on \ oit. abrutis par l'horreur des nuits rouges, Le jour, au cabaret le vice est naissant.

C'était bien le voyou cynique, fleur du crime, Enfermé dans l'orgueil bestial de savoir Ou il est roi du pavé, demi-dieu de l'abîme. Quand la nuit sur la ville étend son voile noir.

Un jour, pris de pitié, je lui dis : « Plus de haine : •< Racheté par le Christ, mon frère, en sa bonté.

Lève-toi de L'ornière l'animal se traîne. •> Refais-toi dans l'Amour une virginité. »

ce malheureux, indomptable et farouche, Poussé, par l'abandon, de plus bas en plus bas, Tordit dans un juron la laideur de sa bouche. Me rejarda, stupide, et ne me comprit pas...

Et j'excuse à demi ses mains de sang rougies Qui perpètrent le mal. par plaisir, luin du jour, ingeant que. vivant ai milieu de- orgies,

11 n a jamais connu des paroles d'Amour !

M t r T ÎMS&

Aux Femmes des Travailleurs

Qui ne souffre en songeant qu'aux plaines de la Vie, Des hommes, bœufs humains, peinent, l'âme Le front baissé, pareils a de- êtres maudit-. San- regarder l'azur immense, Afin de savoir commence- La limite du Paradis -

Pour eux, c'est le Travail forcé, la tâche rude Oui n'a point d'Idéal, qu'on fait, par habitude. Et dont «»n se repose, au cabaret, le soi:'. En remuant, au fond de l'âme. Les vieux tisons du vice infâme, Stupidement, quand tout est noir.

Tout est bien noir aussi dans la pauvre demeu Les enfants demi-nus ont faim ; la femme pleure, Kcoute, en tressaillant au plus intime bruit : « C'est lui... le pas de L'infidèle ' Hélas ! le vent seul de son aile l-'rappe à la porte. 11 est minuit...

... Femmes de travailleurs, ô pauvres saintes femmes,

- iue vous attendez prés du foyer >;m< flammes, I . s \ eux mouillés de pleurs et les traits amaigris, Mêlez . é pou- Une prière dans vos km, Pour vos infidèles maris.

- 62 -

Oh, priez pour celui que vous aimez quand même.

Malgré votre chagrin et malgré son blasphème.

Priez en votre nom, au nom de vos petits. Innocentes victimes blondes. Qu'étonnent vos douleurs profondes, Quand vous vous penchez sur leurs lits.

Priez, l'homme qui tombe a besoin de prière.

Qui donc inonderait un être de lumière,

Si quelqu'un ne disait : « Mon Dieu, grâce, pardon ! « 11 est malheureux, son cœur saigne, « O doux Jésus, que ton sang teigne Ce cœur qui part à 1 abandon ! »

Priez, priez aussi pour les Grands de la terre ; Les fautes, les malheurs du monde prolétaire, Les actes fous, maudits, des sombres miséreux,

Au grand jugement, dans les nues.

Lorsque les âmes seront nues,

Retomberont beaucoup sur eux.

Priez donc, cœurs meurtris, femmes abandonnées, Ouvrez le ciel d'azur aux âmes condamnées, Priez pour que chez vous les jours brillent sereins, Egayés de rires, de roses, Pour que vos fenêtres soient closes Aux troupes noires des chagrins.

Pliez, pour que, demain, il ne soit plus un homme Qui marche, front courbé, toujours, sans espoir, comme Les bêtes de travail qu'il conduit au labour. Sans même avoir la flamme pure be leurs grands yeux la nature Sourit au monde avec amour !

Le Travail !

Travail prodigieux, sois béni ! Toutes choses Palpitent SOUS l'ardeur de ton souffle puissant. Travail de la nature embaumé par des r ses, Travail de l'atelier abreuvé par du sang.

'Tout travaille, toujours ! Le flot ronge la grève, Le soleil brille au fond des mondes infinis, Les flancs sacrés du sol tressaillent, et la sève Fait germer des fruits d'or scus le frisson des nids.

Le jour parait. Debout, derrière la charrue. L'homme chante un refrain Légué par ses aïeux. Le soc pointu s'enfonce en la terre bourrue. La chanson monte, vierge, en la clarté des cieux :

Et, mêlant sa sueur à la terre profonde, L'immortel paysan, fourbu mais indompté. Achève la grandeur de sa tâche féconde. Sainte par son amour et son austérité !...

Le jour fuit, lentement. Tout rentre, tout s'apaise : A peine un Angélus trouble de sa chanson La calme majesté d'un ciel d'or et de braise Qui s effrange et qui meurt au bout de l'horizon.

Alors, avec un bruit voilé qui s'accentue. Lorsque la paix du soir augmente au firmament, Tout un enfer parait qui fabrique et qui tue. Et dont l'énorme feu brûle éternellement.

G4

Labeur brutal, géant, de L'usine farouche Qui gronde et qui gémit sur la terre qui dort, Pendant que le rêveur, avec délices, touche La poésie aimante au sein d'un clavier d'or,

Ou qu'un noble vieillard, savant humanitaire, Le front pâle penché sur le philtre qui bout, Dispute avec ardeur, dans l'ombre et le mystère. Ses frères à la Mort implacable et debout !...

O travail rédempteur, sois béni ! Toutes choses Palpitent sous l'ardeur de ton souffle puissant, Travail delà nature embaumé par des roses, Travail de l'atelier abreuvé par du sang !

*-

Poun le Dimanche des Pauvres

Des étoiles. 1 Y>ut dort. Le monde entier rep

Pas un cri, pas un chant, pas un frisson de ros A l'horizon, pourtant, dressant ses murs de fer, Dans la nuit noire rien ne bouge. L'usine colossale et rouge Hurle comme un monstre d'enfer.

Des gueux dans ce brasier travaillent, par centaine-: Faibles nains à côté des machines hautaines. Ils font pour l'univers des travaux de géant Lt d une aurore à l'autre aurore, Debout, ils travaillent encore, Sous le feu des fourneaux béants.

L Usine, cette ogresse, a toujours faim. FicU Les travailleur sont là. dans ses griffes cruelles; Ils sont là. demi-nus. sans trêve, même au jour

l'airain qui chante, tout proche.

Réveille en leur âme la cloche

Du saint repus et de l'amour!...

Patrons, quand le dimanche autour de vous déploie Ses danses, ses chansons, ses carillons de ; \ bons salariés happent, frappent toujours,

Le besoin de vivre les guide.

Et le travail creuse sa ride

Sur leurs fronts de chagrins bien lourds.

a. L. v.

G6

Pourtant, ces travailleurs nourris de noires miches, Tous ces gueux méprisés sont vos frères, ô riches, V >s frères qui, tout bas, songent qu'il serait doux D'avoir cinquante fois l'année. Quand la semaine est terminée, Ce que vous avez toujours, vous !

Donnez-leur donc, gaîment. ces quelques bonnes heures. Pour qu'ils puissent reprendre au seuil de leurs Sous l'éclat d'un soleil de juste liberté, demeures,

Un ardent renouveau de force

Qui donne de l'ampleur au torse.

A l'esprit de la volonté.

Donnez ce jour béni pour qu'aux forges bruyantes.

D'où s'élèvent souvent, stupides et criantes.

Des lois, enfantement de quelque ambitieux. Le forgeron de la semaine Dérive de la chaîne humaine Les maillons trop lourds ou trop vieux.

Donnez ce jour aimé ! Près du foyer qui brille, Tous les êtres heureux de la pauvre famille Chauffent leurs rudes mains, en oubliant leurs maux,

Et l'ouvrier, près de sa femme.

Consolé, retrempe son âme.

Dans les yeux clairs de ses marmots.

Donnez ce jour enfin pour que les fronts rustiques Se lèvent, radieux, vers les sphères mystiques, Pour qu'un hymne vibrant et d'amour tout entier

Munte de poitrines robustes

Vers le Roi des ouvriers justes,

Jésus, le divin Charpentier !

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Amour et Travail

A mon ami Louis Clavèri

I I Travail, roi du monde et père de la vie,

Dix in Travail maudit par tant d'hommes ingrats,

La terre, de sueurs toujours inassouvie.

Germe cependant mieux sous l'effort de tes bras.

Tout jeune, j'ai traîné ton boulet nécessaire. J'ai subi le contact de ton rude baiser. Et pour longtemps encor, ta main brutale enserre Ma tête ton sillon est venu se creuser.

.Mais loin de t'adresser un stupide blasphème. Je te bénis. Travail ! Mon âme, grâce à toi, Grâce à l'hymen ardent qui nous associe, aime Tous les hommes courbés sous ta féconde loi.

J'aime les paysans dans les moissons brillantes. Les bons marins bourrus partis on ne sait où, Les ouvriers, nerveux, près des forges ronflantes, Les mineurs, secs et noirs, victimes du grisou.

Et j'aime les Penseurs, doux soldats de l'Idée. Défricheurs courageux de l'esprit animal. Génération sainte, et dans les temp^. guidée Far l'Etoile du Bien clans les jardins du Mal.

- 68 -

Que dans le ciel joyeux un hymne retentisse, Célébrant les bienfaits de tous les Travailleurs,

Un hymne universel d'Amour et de Justice, Un hymne préludant aux lendemains meilleurs.

Insensé, m'a ton dit ! Aux sphères éternelles.

L arbre divin d'Amour s'épanouit, puissant,

Mais son pied qui grandit dans les foules charnelles

Réclame le martyre et s'abreuve de sang.

Ah ! Seigneur, prends le mien pour abreuver la terre D'où naissent les fruits d'or de cet arbre idéal ; Je t'implore, à genoux ; consomme ce mystère ; De l'Amour et de Toi. je suis l'humble féal.

Que mon sang, tout mon sang s'épanche, goutte à Afin que notre Nuit se transfigure en Jour, goutte, Jour de Fraternité répandu sur la route. Ut tombant des rameaux lumineux de l'Amour !

-3-

Les Gueux Chrétiens

Vivent les gueux, le- fils des lourdes moi 3 ncles.

Des vagues d'émeraude aux entrailles profondes,

De la forge riant à la clarté du jour : Vivent les gueux penchés sous l'ardente lumière. Ht qui gravent encore aux murs de leur chaumière Ces mots : << Travail, Prière. Amour

Le- bras nus, le front haut, la tête découverte, Etreignant sur l'ampleur de leur chemise ouverte Le Travail, ce lutteur gigantesque et fumant,

Ils combattent, les gueux, sans perdre une minute : Le Travail abattu se redresse, et la lutte Recommence éternellement.

Une cloche résonne et la lutte s'arrête : Le travailleur lassé se recueille, sa tète Se penche vers le sol, calme, avec gravité, Et, perçant de son vol sa poitrine énergique. Son âme rustre monte au firmament magique. A la source d'éternité.

L'Ami ur, père de Vie, et de Force, et d Extase La remplit toute entière, et l'enivre, et l'embrase : L'âme sanctifiée, ayant revu son I>ieu. Redescend, radieuse, en ses chaînes mortelles, Ht le corps fatigué, sous ses battements d'ailes, Palpite d'une ardeur de feu.

7(»

Le combat se poursuit dans l'arène féconde: Une poussière en vole et s'étend sur le monde. Des montagnes d'hermine au fond des chemins creux Poussière du Travail, de l'Amour ; ô poussière Qui porte dans ses flancs la graine nourricière De tous : riches ou miséreux.

O frères de travail, que l'atelier flamboie. Que la brise des mers souffle, immense, avec joie, Que le soc pacifique éventre les sillons, Que l'homme à la nature en chantant collabore : Notre sang qui se mêle aux larmes de l'aurore Sert de breuvage aux Nations !

*•

er

Les Morts

Les véritables morts ne dorment pas à l'ombre Que font les cyprès verts sur le sépulcre sombre.

Dans le cimetière pieux ; Le corps seul y pourrit sous la nuit de la terre. Lt l'âme, libre enfin, palpitant de mystère,

Monte, immortelle, vers les cieux.

Les morts sont parmi nous. La foule les charrie : Ils vont, lâches et sourds aux maux de la patrie,

N'écoutant que leurs seuls sanglot-: Ils vont!... Le vent maudit de la mollesse emporte Ces amas d'os bruyants Hotte une âme morte.

Comme une épave sur les flots.

Elles sont bien mortes, ces âmes! Ecoutez : tout croule, avec bruit. Au sein des discordes infâme-. Sous les ténèbres de la Nuit. L'Amour est raillé; la Souffrance Dit en pleurant : « Je suis la France ! » La Croix, au fond du ciel béant, S'éloigne et dit : « Jetai- la Vie! La Haine dit: « Je suis ravie ». Et ces âmes disent : » Néant '. a

72

Que sur les foules retentisse Un cri sublime et déchirant. Pour que triomphe la Justice. Pour que vive le Droit mourant. Ces âmes passent, égoïstes ; N'écoutant pas, sombres et tristes, Sous l'éclat d'un ciel incertain, Elles vont, poursuivant leur rêve : Celui que fait près de la grève Le mendiant napolitain.

Ames bien mortes et fanées. Pareilles aux chairs en lambeaux Que l'on voit, après des années, Dans l'ombre horrible des tombeaux ; Car vouloir vivre pour soi-même, Loin de l'humanité qui sème La Ûeur que nul ne peut flétrir, La fleur aux racines profondes, Fleur d'Amour qui vaincra les mondes, Ce n'est plus vivre, c'est mourir !

Ah ! vivre, c'est donner tout entière sa vie. C'est sentir de sa chair, par la douleur suivie.

Couler pour Dieu le sang vermeil, C'est être au premier rang, debout, dans les batailles, Visage découvert, sans crainte des entailles.

Farouche ennemi du sommeil.

C est féconder le sein de l'amitié robuste.

C est tomber, un beau soir, pour une cause juste,

Frappé par un flot de clarté. T'n sublimé rayon qui tombera des nues, Ln montrant la splendeur des saintes avenues

Qui mènent à l'éternité.

Vers l'Avenir

.1 fa /' iiins>.> Chrétienne.

La Nuit profonde et criminelle

Epandait sur l'humanité

L'ombre géante de son aile

Débordant de perversité.

( ) barbarie, ô temps infâme-.

Esclavage des corps, des âmes,

0 ciel sans étoile de feu '.

Le monde allait, de crime en crime.

Jusqu'aux profondeurs de l'abîme,

Pour n'être pas conduit par Dieu!

Le firmament trembla : l'aurore Jaillit, magnifique, sans lin : La Heur d'Amour venait d'éclore Sous le premier rayon divin. Dans une étable de Judée. L'unique .Maître de l'Idée, [ésus, souriait à Noèi, Heureux d'apporter dans ses langes. Avec ses deux menottes d'anges. Une alliance avec le ciel.

74

Cette aurore de délivrance. Féerique, sur le dur chemin vont courbés par la souffrance Les régiments du genre humain. Depuis le grand jour du martyre Jésus ne sachant maudire .Mourut pour nous tous et jeta L'immense cri de l'agonie, Cette aurore brille, infinie, Sur le sommet du Golsotha.

C'est l'Amour, la Vertu, la Vie.

Le But des générations,

l'âme ardente, inassouvie,

S'embrase à de nouveaux rayons.

Les jours sont courts: le peuple souffre

Bien loin le ciel, tout près le gouffre :

Lutte effroyable à soutenir.

Qu'importe, vers le But suprême,

Vers le Christ saignant qui nous aime,

Creusons le champ de l'avenir !

En avant, laboureurs ! La terre Se fend, se creuse ; les sillons S'allongent, droits, dans le mystère, Pour le bonheur des Nations; Qu'ils soient prufonds, larges, immenses, ( ouverts aux grains d'or des semences Comme aux caresses de 1 été. Ces sillons des races humaines Où. radieux, tu te promènes, ulïle de la Liberté !

Eu avant, toujours! Si les hei Derrière nous, dan- les vallons, Se dressent, hautes et superb

En creusant de beaux épis blonds,

La joie au cœur, creusons quand même,

En disant au gueux qui blasphème,

Au méchant par le mal broyé,

A ceux qui nous jettent des pierres

" Prenez sans remords, ô mes frères,

5t pour VOUS que j'ai travaillé '

Mais si le rude soc s'émousse < »u si l'implacable soleil Brûle les blés comme la mousse Et verse aux àme- le sommeil, Nous verrons à notre poitrine Une large entaille divine. Et de charité frémissants, Pi air féconder le sol sauva* Par le plus sublime breuvage, s ferons couler notre sang.

Et les lourdes moisson- dr-rec- Chanteront, sous les cieux meilleurs. Le- nuits mure- transfigurées En clartés pour les Travailleurs : Chansons des blés et des ciga]

< » frêles chansons inégale-.

< ) rires des sons musicaux. Agrestes notes immortelles

Oui font passer des frissons d'ailes Sur les rouges coquelicot

76

Aovs. sous l'aube solennelle. La paix sur le front, le passant. Fils de la Cité Fraternelle. Voyant ces blés, ces Heurs de sang Evoquera l'heure profonde faisant crouler le vieux monde Naquit un sillon de vertu, Et songeant à l'homme modeste Qui conduisait le soc céleste 11 s'écriera : « Qui donc es-tu > •>

Et l'âme du héros rustique

Qui creusait, toujours en avant.

Lui dira d'une voix mystique

Flottant sur les ailes du vent :

o Ne dans le paganisme sombre,

J allais, j'allais, maudissant l'Ombre.

Vers la croix du Christ, vers le Jour ;

Je suis le pauvre fou paisible,

Le bon laboureur invincible:

Je suis apôtre de l'Amour ! »

-*-

1848

L'Emeute triomphe

La France est un volcan. Paris est un cratère ;

Le sang des gueux rougit les paves hors de terre. Les cloches. Les canons hurlent, et. dans les cieux. Souillant, grondant, hurlant, avec le bruit joyeux D'un grand peuple marchant vers des fêtes prochaine-. Le vent de Liberté plein du tracas des chaînes Qui brisent en tombant les trônes et les rois

Vent d'espoir, de colère et d'amour, à la fois !

Le peuple a triomphé.

Sonnez, canons et cloches '. Que vos chants glorieux jusqu'aux cimes des roches Montent vers le soleil, dans l'azur du matin ; Et toi. peuple vainqueur, ô peuple souverain, Emplis ton cœur puissant de joie et de lumière. Pardonne aux malheureux, respecte la prié Amour et liberté, pour tous; paix aux vaincu-. Pour que le sol sanglant trois jours tu vécus Ne vibre plus qu'aux bruits du blé qui chante et dore Et ne s'abreuve plus que des pleurs de L'aurore !

78 II

Les Meneurs

Et sur ce peuple roi, sur ce peuple indompté, Toujours le souille ardent du vent de Liberté !. . .

Ils ont ouvert leur cœur à ce vent de tempête Tous les gueux en haillons ; ils ont levé la tête

Pour écouter les chants nouveaux ; Et ce vent de tonnerre, et l'odeur de la poudre, Et le sang balayant un trône mis en poudre

Ont mis l'ivresse en leurs cerveaux.

Ils sont là, par milliers, farouches et stupides, Lâches et tapageurs, nobles et intrépides,

Ne comprenant pas qu'ils sont rois ; Cherchant naît le ciel, commence l'abîme. Se disant : « Est-ce un acte immortel, est-ce un crime >

» Ensemble, je doute et je crois ! »

Alors, à l'heure sombre tout un peuple doute, Cherchant de quel côté monte la bonne route

Aux calmes ombrages dorés, A l'heure l'avenir d'un pays se décide. Des hommes, fiancés sombres de l'homicide,

Insolemment, se sont montrés ;

Et, voyant indécis le courant populaire. Spoliant son ivresse et sa sainte colère, Ils ont crié: « Maudissons Dieu, et Traditions, toutes choses qui croulent, Car pour régner, ô peuple, il faut que tes Ilots rou- Rouges de sang, rouges de ieu. lent,

i Le ; "i n'est plus. Tu dis : •• Je suis roi •■ < ) démence On a déjà voie de ta couronne immense

Les plus nobles joyaux, Regarde : du chaos de la guerre civile Sort un autre pouvoir, et c'est l'Hôtel de Ville,

L'Hôtel regorgé de bourreaui !

» Allons, peuple, debout ! Toujours un maître opprime Supprime la morale et la loi ; rien n'est crime

Lorsque l'intérêt dit : ' '. est bien ! Debout ! Que le pouvoir tremble ainsi que la terre. ur que naisse, demain, l'aurore égalitairc

Sur la tête du plébéien '. ■■

Et, farouche, pareil à des raz de marée-. Débordant de sanglots, de voix désespérée-.

De bruits profonds et violent, Le flot surexcité de cette populace Bondit avec tracas, ne laissant d'autre trace

Que de larges sillons sanglants.

Ils vont, vieillards, entants, femmes écheve ( ouvriers, vieux soldats des anciennes mêl.

Ils vont, criant : « Fraternité ! » Consommer jusqu'au bout la colossale orgie. Et mettre au drapeau rouge un bonnet de Phrygie,

Symbole de la Liberté !

« I Peuple, prends garde, on se joue De ta surexcitation. < ta couvre de sang et de boue La vierge révolution :

80

Tu dis : « J'ai secoué mes chaînes. La liberté coule en mes veines.

A l'honneur on me liança ! »

Mais ce haillon qui te surmonte A tout l'air d'un drapeau de honte Coiffé d'un bonnet de forçat !

*~

S!

III

A l'Hôtel de Ville -- Lamartine

Les heures jour sonneront dans l'hisl

En des bruits immortels de misère ou de gloii

I n peuple est là. hurlant. pré- de l'abîme ouvert, Ivre d'être vainqueur et las d'avoir souffert.

I) un côté, c'est le gouffre immei îc ce qui ;

N >nnait pas la paix et l'amour de la tombe :

De l'autre, c'est le ciel et l'azur, le bonheur

Au soleil de vertu qu'embi - Seigneur.

( ) foule, donc vas-tu - La Mule à la nbre

A répondu : « Je le gouffre et vers l'ombre,

- Je vais jeter les vieux débris du passé mort :

•• Trônes, autels et 1 eaux et sceptre d

•■ Encor plus, t « u t fétiche, aujourd'hui, qu'

Evangile du prêtre et drapeau tricolore. îsl infâme ! dit-on. Je ne sais, car mes yeux Ne trouvent que du sang, des flammes; jusqu'aux

1 ait est rouge cieux.

Minute angoissante. L'abîme

Grandit. La Nation y roule et tombe. 0 crime ! Pour la sauver, il taut un être surhumain. Un homme presque Dieu '. . . .

S : le fatal chemin, Cet homme, ce sauveur, s'avança. Sur sa lyre,

II avait su chanter de ce peuple en délire

sentiments fougueux, les aspii

cœur axait du SOuffl . Il -était éenc i - les hommes sont frè » Que la Fraternité déborde les frontii

- 82 -

» Que le front de l'esclave au jour des châtiments

•■ S'orne d'une couronne aux royaux diamants ! »

Mais dans le tourbillon de l'horrible minute

le peuple peut tout entraîner dans sa chute,

Lamartine apparaît, sublime et frémissant :

" 0 grand peuple, dit-il, je te donne mon sang,

» Par amour, si ce sang que je te sacrifie

» Peut abreuver ta soit et te sauver la vie ».

Et ce peuple farouche, exaspéré, grondant,

S'apaise une seconde. Alors, le geste ardent.

Le regard inspiré, les paroles de flammes.

Le Poète-Tribun émeut toutes les âmes ;

Il parle du présent qu'on ne doit pas ternir,

De travail, de clémence ; il parle d'avenir.

Puis, comme il se produit un grand remous de houle,

Et que le drapeau rouge au-dessus de la foule

Reparaît, insolent, triomphant, acclamé.

L'amoureux nostalgique et doux du mois de mai,

Terrible, dominant le bruit de sa parole,

La tête illuminée aux feux dune auréole,

Risquant d'être tué plus de vingt ibis debout,

.Maîtrise par des mots la révolte qui bout !

C'est le triomphe de l'Idée ! Sans un soldat, mais par l'amour. La Haine vaincue et bridée Tremble à la lumière du jour. Du sein de la nouvelle aurore, Géant, le drapeau tricolore. Parait sur le pays en pleurs; Le ciel resplendit, plein de joie, Et l'étendard Irançais déploie Ses trois symboliques couleurs:

- 83 -

Couleur d'azur, couleur de l'âme Qui monte, blanche, vers les cieux. Symbole vivant du dictame Qui dit : « So\ez bons et pieux Couleur de feu. couleur vermeille I)u cœur ardent qui s'ensoleille Fn luttant pour la Vérité, Couleur du martyr qui se donne lu dit aux bourreaux : Je pardonne, Je crois à la Fraternité

84 IV

Apothéose !

Demain, quand l'homme libre et joyeux, verra naître Une aurore d'amour au firmament doré. Son esprit scrutera les siècles pour connaître Le Passé, d'où lui vient ce bonheur adoré.

Alors la Vérité surgira de l'Histoire :

mains feront jaillir les feux de son flambeau, Et les morts immortels, éblouissants de gloire, Radieux, triomphants, sortiront du tombeau.

Et. parmi la pléiade immense et bienfaitrice

Des martyrs, des savants, de tous les grands semeurs

Qui jetaient le bon grain de la Voix créatrice

Et qui parlaient de paix au milieu des clameurs.

Un poète trempé dans le Ilot populaire

Se dressera, rêveur, comme pour écouter.

Avec le grondement de la foule en colère.

Les harpes dans les bois profonds qui vont chanter.

Et la France, superbe en sa grâce de femme. Se penchera vers lui. doucement, pour poser. Jusqu'à l'intimité divine de son âme Le sublime frisson d'un immortel baiser !

Chanter, toujours

Sans but, sans espoir et sans force, J'allais tomber sur le chemin, j'allais consommer le divorce De mon âme et du genre humain : Je disais : Tout n'est que mensonge, L'ombre du mal partout s'allonge, Et, fatigué dès le matin, Pris d'un égoïste délire, J'allais jeter au vent ma lyre Et mon cœur au pire destin.

Une voix me dit : « Misérable, Pourquoi douter en ton printemps ? Le ciel n'est pas inexorable Mais toute mer a ses autans; Mais toute mer malgré l'orage Laisse voir sur un doux rivage Les phares éclatants du soir ; Debout donc et le cœur en fête, Une Muse joyeuse en tête, Chante l'Amour, Chante l'Espoir !

« Bravement le père travaille, Les bras nus, le front basané ; Non loin de lui la mère taille Des langes pour le nouveau ;

Le soufflet ronfle à pleine gorge, Les étincelles de la forge. Comme de rouges grains d'émail, S'élèvent dans le feu qui brille... Chante, poète, la Famille, Les Travailleurs et le Travail !

« Qu'elle est radieuse, la France,

Que belle est sa tradition ;

Ses enfants, ivres d'espérance,

De la gloire ont le doux rayon ;

Elle est la cloche d'or vibre

Le cri joyeux de l'être libre

Qui veut, pour les temps à venir,

L'Amour domptant la barbarie !...

Chante poète, la Patrie,

Les jours meilleurs de l'Avenir !

« L'homme n'est pas la bête immonde

Qui vit, seule, en un coin obscur ;

Il est le fiancé du Monde,

De l'Energie et de l'Azur ;

Son cœur est l'écho de toute heure

Qui. tour à tour, rit, chante ou pleure,

Résonne au cri de : Liberté ;

Et la nuit, et le jour répète :

« Aimez-vous humains ! )) O poète,

Chante, chante l'Humanité !

« Planant au-dessus de la Terre, Le Créateur, dans sa bonté, Sur notre vie et son mystère, Répand des vagues de clarté ;

87

Il étoile la nuit, il dore

Le firmament quand naît l'aurore,

Il conduit le soleil de feu ;

Par Lui tout naît, croît et respire,

Et le chrétien vers Lui soupire...

Chante poète, chante Dieu. »

Depuis ce jour pour les Familles,

La Patrie et l'Humanité,

Pour Dieu, pour les gens en guenilles.

Gaîment, de mon mieux, j'ai chanté,

Je chanterai toujours ! L'orage

Ne brisera pas mon courage

Et ne pourra pas me broyer,

Tant que la Voix consolatrice

Me dira : « Je suis ta tutrice,

Chante encor, poète ouvrier !

FIN

Table des Matières

PROU >GUE : A mon âme 7

Première Partie

Chansons d'Ateliers et Poésies diverses

Carillons d'Enclumes i:\

che 15

La Chanson de la Vie 17

Cloutier l!i

I eu Rustique .

Feutre Noir et Coiffe Blanche '21

Les Vieux Canots 23

I lymne à la Vierge '24

Chante, mon Frère ! '_!.">

Forgeron '. '28

Pour l'Hôtel de la Chanson à Lyon 30

Réminiscence ! 33

34

La Chanson des Sabots de bois 36

Angélus !. . 38

A Pierre Corneille ! . . . . 39

Vendetta 42

Deuxième Partie Poésies Sociales

Semons, Français !.. 47

Noël ! 50

Aux Travailleurs 52

Miserere ! .">.">

Aux Paysans 57

Le Voyou 60

Aux Femmes des Travailleurs (il

Le Travail ! [VA

Pour le Dimanche des Pauvres ... (i.">

Amour et Travail »17

Les Gueux Chrétiens (i'.l

Les Morts 71

Vers l'Avenir 73

ISIS 77

Chanter, Toujours ! 85

Bordeaux. Imp. G. Chariol. 25, r^e des :

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